Un justiciable français qui donne un ordre de virement vers un compte ouvert à l’étranger (en UE) à la suite d’une escroquerie peut il saisir les tribunaux français d’une action en responsabilité contre la banque étrangère bénéficiaire du virement ?

C’est ce qu’a soutenu le cabinet dans une affaire de rappel des fonds (recall) adressé à une banque espagnole à la suite d’une escroquerie.

Explications :

Le règlement Bruxelles I bis, n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 énonce qu’en matière délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire (art. 7, § 2).

La Cour de justice de l’Union européenne et la Cour de cassation sont venues préciser les conditions d’application de ces dispositions en matière de virement vers une banque étrangère, lorsque l’ordre de virement découle d’une escroquerie.

La Cour de justice a jugé que les juridictions du domicile du demandeur (le client lésé) sont compétentes, au titre de la matérialisation du dommage, pour connaître d’une telle action, notamment lorsque ce dommage se réalise directement sur un compte bancaire de ce demandeur auprès d’une banque établie dans le ressort de ces juridictions (CJUE 28 janv. 2015, aff. C-375/13).

La Cour de cassation a également décidé que, lorsque le préjudice purement financier invoqué par le demandeur à une action en responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle s’est réalisé directement sur un compte bancaire ouvert à son nom en France, à la suite d’un virement ordonné pour le paiement d’un cocontractant français dont il est allégué qu’un tiers a usurpé la qualité, une cour d’appel ne peut exclure la compétence des juridictions françaises qu’après avoir recherché si les autres circonstances particulières de l’affaire ne concouraient pas à attribuer la compétence à une autre juridiction que celle du lieu de matérialisation de ce préjudice (Civ. 1ère, 15 juin 2022 – n° 21-10.742).

Les circonstances particulières à prendre en considération sont notamment la proximité entre le litige et le juge saisi ainsi que la prévisibilité de la solution pour la partie en cause.

La démonstration de la proximité ne pose pas de grande difficulté lorsqu’un juge français est saisi pour statuer sur un préjudice matérialisé sur un compte ouvert en France et s’agissant de la prévisibilité de la solution, elle se défend dès lors que l’application de textes européens (transposés ou non) est recherchée, ce qui est le cas en matière de rappel des fonds notamment ou d’opération de paiement non autorisée.

Il est par ailleurs constant que la responsabilité délictuelle de la banque étrangère est généralement recherchée, faute de lien contractuel avec le donneur la victime.

Ainsi, dans une affaire dans laquelle la cliente d’une banque française avait donné un ordre de virement vers un compte ouvert dans les livres d’une banque espagnole à la suite d’une escroquerie et après un rappel des fonds infructueux (recall), le cabinet a pu obtenir la condamnation en France (TJ TOULON 2 juillet 2025, n°24/03625), de la banque espagnole, au motif qu’elle n’avait pas respecté les règles et délais applicable à la procédure de recall et fait perdre une chance à la victime de récupérer ses fonds (explications sur la procédure de recall dans un article séparé).

Marc Merceron.