La 3 e chambre civile de la Cour de cassation (Cass. 3e civ. 1-3-2023 n° 21-22.073 FS-B) persiste et signe. Elle surenchérit même, en réaffirmant sa position au bénéfice d’un locataire qui avait refusé l’offre initiale de son bailleur.
« Le locataire qui, après avoir refusé l’offre initiale, accepte l’offre faite à des conditions ou à un prix plus avantageux qui lui est notifiée par le notaire ne peut pas se voir imposer le paiement de la commission de l’agent immobilier. »
Dans cette affaire, le bailleur avait fait délivrer un congé pour vendre à ses locataires, valant offre d’acquisition au prix de 400 000 euros, par application de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989.
Cette offre n’ayant pas été acceptée, les locataires ont quitté les lieux à l’issue de leur préavis. Les vendeurs ont alors consenti une promesse de vente à des tiers, négociée par un agent immobilier, moyennant le prix de 380 000 euros, dont 10 000 euros de commission d’agence.
Conformément aux dispositions susvisées de la loi du 6 juillet 1989, le notaire rédacteur devait notifier ce prix aux anciens locataires qui finirent par accepter l’offre. La question posée à la Cour de cassation portait sur l’exigibilité de la commission de l’agence immobilière dans ce contexte.
Selon la 3 e chambre civile, le locataire qui exerce son droit de préemption subsidiaire en acceptant l’offre notifiée par le notaire, qui n’avait pas à être présentée par l’agent immobilier mandaté par le propriétaire pour rechercher un acquéreur, ne peut se voir imposer le paiement d’une commission renchérissant le prix du bien La solution est classique en matière civile (Cass, 3e chambre civile, 3 Juillet 2013 – n° 12-19.442) mais également commerciale et la Cour de cassation décide que « le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation… » (Cass, 3e chambre civile, 28 Juin 2018 – n° 17-14.605).
Dans l’affaire commentée, la décision a cependant le mérite de préciser que la solution s’étend au « droit de préemption subsidiaire » du locataire. Le terme n’est pas satisfaisant selon nous et pourrait laisser croire qu’il en va de même pour n’importe quel droit de préemption immobilier. Tel n’est pas manifestement pas le cas et c’est précisément la 3 e chambre civile de la Cour de cassation qui décide que la commission de l’agent doit être supporté par le titulaire du droit de préemption urbain lorsque son montant est mentionné dans la déclaration d’intention d’aliéner :
« Lorsqu’il exerce son droit, le titulaire du droit de préemption, au profit duquel la vente a été effectivement conclue, est tenu de prendre en charge la rémunération de l’intermédiaire incombant à l’acquéreur pressenti, auquel il est substitué, dès lors que le montant de la commission et la partie qui en est tenue sont mentionnés dans l’engagement des parties et dans la déclaration d’intention d’aliéner » (Cass. 3e chambre civile, 12 Mai 2021 – n° 19-25.226).
Cet arrêt, que l’on peut tout à fait transposer aux préemptions exercées par la SAFER, permet de rappeler une jurisprudence ancienne (Cass. 1ère civ, 8 avril 1970, n°68-13.130) et constante selon laquelle : « Bien qu’en acceptant l’offre, la SAFER se substitue à l’acquéreur et s’astreint aux mêmes obligations, elle supportera les seules charges et conditions qui lui ont été régulièrement notifiées. » Ainsi et sauf à ce que la 3 e chambre civile se contredise, il faut en déduire que le « droit de préemption » du locataire s’entend en réalité comme droit de préférence imposant au propriétaire vendeur de lui adresser une véritable offre d’acquisition portant sur une chose et un prix, tandis que le droit commun de la préemption implique juste une substitution d’acquéreur à un acte dont les conditions sont déjà négociées.
Marc MERCERON