Lorsque des fonds sont engagés dans une opération de paiement non autorisée et notamment à l’occasion d’un virement, il existe une procédure de rappel des fonds strictement encadrée.
La question se pose de savoir dans quelle mesure la banque bénéficiaire du virement peut engager sa responsabilité lorsqu’elle ne respecte pas ces règles.
Sur le fondement de ces règles, le cabinet a eu l’occasion de faire condamner une banque étrangère à indemniser le titulaire d’un compte en France, de la perte de chance de récupérer les fonds engagés dans l’opération de virement.
Explications :
L’article L133-21 du CMF dispose notamment :
« (…) le prestataire de services de paiement du payeur s’efforce de récupérer les fonds engagés dans l’opération de paiement. Le prestataire de services de paiement du bénéficiaire communique au prestataire de services de paiement du payeur toutes les informations utiles pour récupérer les fonds. Si le prestataire de services de paiement du payeur ne parvient pas à récupérer les fonds engagés dans l’opération de paiement, il met à disposition du payeur, à sa demande, les informations qu’il détient pouvant documenter le recours en justice du payeur en vue de récupérer les fonds. »
La procédure de retour de fonds (« recall ») est également régie par le règlement européen n° 924/2009 du 16 septembre 2009, modifié par le règlement n° 260/2012 du 14 mars 2012, établissant les exigences techniques et commerciales pour les virements et les prélèvements en euros et le règlement n° 248/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, modifiant le règlement n° 260/2012 en ce qui concerne la migration vers un système de virements et de prélèvements à l’échelle de l’Union européenne.
De façon plus précise, le « SEPA Credit Transfer Scheme Rulebook » adopté par le Conseil européen des paiements envisage une procédure de traitement d’une demande de retour de fonds en son article CT 02.03 applicable au cas d’espèce.
Selon ces dispositions, « la banque du bénéficiaire doit traiter le recall dès réception de la requête et transmettre une réponse positive ou négative dans les 15 jours ». Ensuite, « si le virement SEPA a déjà été crédité sur le compte du bénéficiaire, la banque de celui-ci pourra, en fonction de la législation du pays et/ou de la convention de compte conclue avec le bénéficiaire :
- générer immédiatement une réponse positive en débitant le compte du bénéficiaire ;
- décider si nécessaire de demander au bénéficiaire une autorisation de débit du compte ;
- être obligée de recueillir l’autorisation du bénéficiaire pour débiter le compte ».
La jurisprudence a eu l’occasion de faire application des dispositions qui précèdent pour sanctionner la banque du bénéficiaire du virement en cas de réponse tardive au rappel des fonds (CA AGEN, 5 juillet 2023, n°22/00694)
Dans cette affaire, la Cour d’appel retient que si la banque du bénéficiaire dispose d’un délai de 15 jours pour donner une réponse positive ou négative à la demande de restitution des fonds, elle doit immédiatement traiter la requête formulée par la banque du payeur.
Elle estime ensuite que la banque du bénéficiaire qui donne suite à la demande de rappel adressée par la banque du payeur dans un délai de 13 jours manque à l’obligation de diligence qui s’impose à elle en application des textes susvisés.
S’agissant de la transmission d’informations utiles à la récupération des fonds engagés dans l’opération, elle estime finalement qu’un tel manquement fait perdre une chance sérieuse à la victime de la fraude d’appréhender les fonds, dont découle l’obligation pour la banque bénéficiaire d’indemniser le payeur.
Au surplus, la Cour estime que le même comportement cause un préjudice moral à la victime qui se trouve démunie dans la recherche de l’auteur de la fraude.
Dans une affaire similaire, le cabinet a pu obtenir la condamnation d’une banque étrangère bénéficiaire d’un ordre de virement, à indemniser le client d’une banque française à hauteur de la chance qu’elle lui avait fait perdre de récupérer les fonds engagés à l’occasion de l’opération de paiement, au motif qu’elle n’avait pas traité le recall en temps utile ni donné la moindre information utile permettant de documenter un recours (TJ TOULON 2 juillet 2025, n° 24/03625).
Cette banque étrangère avait été attraite en France, devant le Tribunal du lieu de situation du compte sur lequel s’était matérialisé le préjudice (explications dans un article séparé).
Marc Merceron.